28 février

le petit désordre de mon bureau ne m’appartenait pas tout à fait

celui de ma vie non plus

d’autres mains que les miennes y désœuvraient

vives et imprécises comme d’enfants

mon regard s’y posait d’abord

à la manière des oiseaux

puis perdait de son acuité et la certitude que la vérité

quelque chose qu’à défaut je nomme vérité

lui était accessible

j’avais alors les yeux de ceux

qui devant une tombe savent que c’est au-delà

des fleurs et de la pierre

que cela se tient

qui se défait

23 février

les sardines les tulipes prises

au grand marché de la mer vide et

de la terre épuisée donnent

au regard des restes de joie des

tourments à l’esprit l’enfant

qui danse qu’il demeure

vif  en l’alarmé

 

            qu’à la lueur de la lame du couteau

            plongée dans la chair claire des fenouils des

            carottes des aulx recule la nuit

            la mélancolie la chair exulte aussi

            sur la voie de sa poussière

3 février

les averses de la nuit ont laissé comme des traces d’un long baiser des flaques dans les allées du Luxembourg où courent

sous le ciel gris de ce lundi de février rayé de branches effeuillées

ou plutôt se secouent

le visage rougi les

oreilles au bout des fils d’un téléphone les temps

qui courent

et

par-delà les grilles sur les

trottoirs

les poubelles débordées d’ordures font la queue

et crient

quelque chose comme

manger rien

tout vomir

on n’entend pas très bien l’époque on sait

qu’elle crie

on devine une gésine mais

comme on est dans le ventre aussi

ohé on ne voit pas les extrémités

1er février

ce jour-là février débuta de très bonne heure et sous la pluie

c’était des douze apôtres de l’année celui

dont je préférais le nom j’aimais

l’élan fiévreux qu’il imprimait

au rallongement du jour

et que par des presciences de printemps il bousculât parfois le cours

de l’hiver

aussi dès son commencement me porta-t-il aux vers

que voilà