30 juin

les injures que se font ordinairement les humains les uns aux autres n’avaient pas empiré, peut-être même mourait-on moins sous les coups que jadis, mais on n’avait plus de sol, et ceux qui quittaient ce qui avait été leur terre n’étaient que de peu en avance sur ceux qui s’efforçaient de croire qu’ils vivaient encore sur la leur

et de n’avoir plus de sol rendait chacun, pour peu qu’il n’eût pas endormi sa pensée croyant la sauver du tranchant de la conscience, plus proche de son extrême fragilité, de sa fissure fondamentale, de sa condition oubliée de nomade et d’errant

et de n’avoir plus de sol s’offrait, peut-être, comme un lien nouveau entre les humains, un prochain horizon de partage, un rien commun

29 juin

accablés d’occupations quotidiennes qu’ils n’avaient pour la plupart pas choisies et dont la nécessité parfois leur semblait douteuse ou dont il leur arrivait même de penser fugitivement qu’elles les soumettaient comme on dit d’une armée d’occupation, sans que pour autant ils prissent le risque de s’en libérer, figés qu’ils étaient dans la graisse de l’habitude et de la résignation, plus rien de joyeux ne leur venait, rien de léger, pas un coquelicot, pas un papillon, pas un merle n’égayait plus ce qu’il leur restait de paysage

du grand poème

fracassé

se couper

aux tessons

27 juin

rien d’autre ici qu’un art

poétique

accru chaque matin dès avant l’aube du

petit peuple désespoir ou joie

selon qui le premier se lève et

se présente à qui dit je rien

qui n’est pas rien qu’un art

de vivre poétique

et de mourir sur le bûcher

de quelques mots liés en fagots

 

stances

résistance

quotidienne

à l’effacement

des vivants

 

dans la cabane
à l’abri à
l’affût
 

 

 

 

 

 

24 juin

dix à vingt mots tramés avec application suffisaient à produire ce soulagement pareil à celui qui naît de l’atténuation d’une douleur, de l’apaisement d’une démangeaison, de la distraction d’un souci ou peut-être plus exactement encore de l’acquiescement à une peine — aussi pourquoi dire davantage puisque le silence, à nouveau, devenait habitable  

la chaleur la basse continue mes rêveries

où bâillent des robes la mélodie