Mois : mai 2020
31 mai
déjà écrit que la lumière
embouche la rue d’Orsel
et y claironne le soleil
des matins de mai
écrit déjà que je la dégringole
la rue d’Orsel ou d’or soleil
devrais-je dire à bicyclette
et que ma pensée
brinquebale sur les pavés
déjà conté que ma sonnette
à tant tintinnabuler
parfois fait se retourner
un chien qui promène son maître
ensommeillé déjà écrit
que mon poète
ne sait que se recommencer
Malgré ma pesanteur et ma disgrâce
23 mai
ma part de pierre pesante immobile et muette reste un oiseau malgré tout |
ceux-là mes préférés ne chantent pas dans les platanes mais perchés sur les vieilles antennes rouillées qui hantent toujours les toits de leur silhouette squelettique et désordonnée
c’est de là qu’ils tracent les bords invisibles de leur territoire fugace et inventent de tout leur corps noir d’où fuse l’éclat jaune et pointu de leur bec leur chant d’amour et de gloire au jour c’est là-haut que je les cherche du regard et lorsque je les aperçois leur lance en guise de salut un fin tissu de silence et de quelques mots que parfois je nomme mon âme parfois ma joie ma douleur encore |
Encore un fragment d’art poétique
21 mai
À peine avalée ma dernière gorgée de café, je me lève, rince ma tasse des écritures du marc où je ne prends pas le temps d’essayer de lire mon destin de la journée, partie parce que je ne sais pas lire, partie parce que je ne veux rien en savoir, la remplis, cette tasse aux frais motifs fleuris dont je me plais à penser et parfois même à prétendre que je l’ai rapportée de New York où, en effet, j’ai découvert la boutique Anthropologie d’où, quelques années plus tard, j’ai fait venir à grands frais de port cette porcelaine, je la remplis donc au robinet de la cuisine à moitié d’eau et y vide le sachet de poudre vitaminée Ener.C qui, au contact du liquide, pétille vivement et pousse une mousse d’un rose vif à l’odeur de framboise et de cerise comme si, soudain libérée de son inertie et de son enfermement, elle se mettait à vivre une existence bruissante, exubérante, joyeuse et colorée. L’effervescence retombée, j’ingurgite en deux longues gorgées le liquide calme au goût puissamment chimique de salade cardinal qui relègue aux tréfonds de ma mémoire la saveur du café et des tartines beurrées dont je fais, certains matins, mon petit-déjeuner. Porté par le désir de ne pas disparaître à mon tour complètement, je prends alors le temps de ma rencontre avec je ne sais quoi, je veux parler d’écrire.
L’horizon vint à pencher
7 mai
s’effraie parfois des quelques vers qui lui viennent le matin, où se fait l’effet d’un promeneur qui marche en sifflotant vers la faille volcanique où rugit la catastrophe que ne manquera pas de produire la tension économique et sociale si elle est trop élevée pour pouvoir être supportée par un pays, par les plus pauvres de ce pays, plutôt, dont les réserves de confiance et de sérénité semblent bien basses, depuis un moment déjà qu’elles sont mises à l’épreuve de la violence, de l’injustice et du mépris
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me lève le premier dans les platanes me lave des traînées de mon sommeil dans la menthe de leur feuillage tente ma douleur d’oublier et de garder face au mur du monde l’incertaine précision de ma joie |