Mois : janvier 2020
31 janvier
j’étais assis au pied de l’immeuble sur le banc, j’avais perdu mes clés, j’attendais, elle s’arrêta devant les poubelles qui débordaient sur le trottoir et cria ah ! ils sont pas passés ! mais les vraies ordures sont pas là-dedans, c’est les saloperies de ce quartier qui prostituent les gosses ! les passants s’écartaient, elle demeurait là, un cabas pendu au bras gauche, lançant le droit en avant, en l’air, envoyant promener je ne sais quoi, tout, criant les salauds, les dégueulasses, vous vous rendez compte, des gosses, ils ont plus qu’à crever après ça, c’est peut-être crever qui m’a fait revenir que le soir, la veille, j’avais désiré un tombeau, pas un lieu où je fusse mort, je n’étais pas plus pressé que ça de mourir, mais c’était tout de même tombeau le mot qui m’était venu pour un lieu où plus personne ne viendrait me proposer quelque commerce que ce soit, m’interpeller, m’inviter, me séduire, m’insulter, me questionner, me toucher, me regarder même, pas plus qu’on n’interpelle, n’invite, ne séduit, n’insulte ne questionne ne touche ou ne regarde les morts qu’une épaisse couche de terre, ou de pierre ou de ce qu’on voudra protège de toute façon des velléités que pourraient avoir les vivants de les interpeller, inviter, séduire, insulter, questionner, toucher, regarder, pas un tombeau véritable mais un lieu où, loin de mes pareils que par une concession lâche à leur susceptibilité j’appelle ainsi alors qu’ils sont plutôt, je le sais, mes dissemblables, et elle, peut-être, la folle qui parlait tout haut de son enfance, ma sœur, un lieu où je pourrais vivre du peu qui m’est essentiel, dans un corps à corps avec la phrase, la phrase que je cherche obstinément depuis si longtemps que s’y égarent mes efforts de datation, la phrase dont l’origine, l’ombilic n’a pas de majuscule et qui, à elle, l’imprécatrice, ne semblait pas si difficile, elle qui a poursuivi son chemin, ou fait demi-tour, je ne sais pas, je ne l’avais pas vue arriver
Au flou
26 janvier
il me vient que je n’ai rien dit de la brume qui
enveloppait hier matin du dedans les rues de Paris |
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puis peu à peu s’est dissipée
(comme d’un enfant la blondeur) rendant à la ville ses verticales intégrales |
Pour l’enfance
18 janvier
à Malou
te fîmes naître au temps des glaces défaites
des grands feux
des gouvernants sans gouvernail
des mers de larmes de plastiques de noyés
où la dent vorace de l’homme mordait
même au ciel
naître au craquement des peuples
dans le silence aux deux bouts
de l’espérance
déposâmes ta vie joyeux et pleins
de souffles suspendus
sur le versant que craignions
parmi les humains augmentés
d’inhumanité
les bougies des bêtes éteintes
et les arbres pliant
écorce et branchages
te fîmes naître entre sauve
qui peut repliement
résistance allant
dans la paille odorante et dorée de l’allégresse
inquiète de l’amour
Le moment de dire non
14 janvier
salut Paris
les platanes de la République effeuillée
les foules des colères souterraines
les impatients dans leur exosquelette de plastique et de verre Securit
les trottinettes montées par d’indomptables individualistes
salut les feux au rouge les sens interdits
salut Paris
la suspension de l’incrédulité devant les policiers armés comme une armée
salut la vallée de l’étrange
la Seine des poètes engloutis
le pouvoir au bout du bout de la laisse de ses chiens
les yeux avides les bras longs
salut la cancéreuse et l’incertaine à séparer le faux du vrai
salut Paris
un soir d’avril ce qui fléchait ton ciel a pris feu
mais les ponts relient toujours les rives de mémoire et d’oubli
et sur le parvis blond de l’opéra dansent les ballerines en grève
et de Bastille à la Nation la mer
est poissonneuses d’espérances
politiques amoureuses
On disait venu le temps de briser le vent
13 janvier
à nouveau te voici
cloué de travers
aux planches de ton lit
cherchant l’unité
de mesure de ta déchirure
seul avec les chiens de lune
que le fouet
les chairs attendrit
et ne sachant pas plus
mordre que démordre
ire que désir