À peine avalée ma dernière gorgée de café, je me lève, rince ma tasse des écritures du marc où je ne prends pas le temps d’essayer de lire mon destin de la journée, partie parce que je ne sais pas lire, partie parce que je ne veux rien en savoir, la remplis, cette tasse aux frais motifs fleuris dont je me plais à penser et parfois même à prétendre que je l’ai rapportée de New York où, en effet, j’ai découvert la boutique Anthropologie d’où, quelques années plus tard, j’ai fait venir à grands frais de port cette porcelaine, je la remplis donc au robinet de la cuisine à moitié d’eau et y vide le sachet de poudre vitaminée Ener.C qui, au contact du liquide, pétille vivement et pousse une mousse d’un rose vif à l’odeur de framboise et de cerise comme si, soudain libérée de son inertie et de son enfermement, elle se mettait à vivre une existence bruissante, exubérante, joyeuse et colorée. L’effervescence retombée, j’ingurgite en deux longues gorgées le liquide calme au goût puissamment chimique de salade cardinal qui relègue aux tréfonds de ma mémoire la saveur du café et des tartines beurrées dont je fais, certains matins, mon petit-déjeuner. Porté par le désir de ne pas disparaître à mon tour complètement, je prends alors le temps de ma rencontre avec je ne sais quoi, je veux parler d’écrire.