comme poussés par le vif vent d’est, nous passâmes en moins d’un heure du vert scintillant de la mer au camaïeu de la campagne
et aux pleurs des goélands succédèrent le concert des oiseaux du bocage et, la nuit, les galopades des souris au-dessus de nos têtes, dans le grenier
peut-être les morts, me disais-je avant de m’endormir, inhumés dans la terre, entendent-ils marcher les vivants au-dessus d’eux, et parler même
et j’imaginai qu’à la satisfaction de les espionner complètement à leur insu se mêlait la frustration de n’en pouvoir rien dire ni faire
à l’aube, les coqs semblaient s’appeler et se répondre d’une ferme à l’autre, leur chant parfois couvert par le moteur d’un tracteur
j’essayais de me rendormir, en vain, l’envie d’uriner faisait obstacle au glissement vers le sommeil
et poursuivant alors ma réflexion du soir comme si la nuit n’avait été qu’une virgule dans l’enchaînement de mes pensées
je songeais que peut-être les morts par des canaux inconnus, les fluides cadavériques se frayant sous terre un chemin tortueux et secret
s’échangeaient des souvenirs, des savoirs, des espoirs et, qui sait, quelque chose qui serait l’équivalent, dans le monde des vivants, de baisers