14 février
sa liqueur jaillit avec le poète
du jour
lui demeure alors
l’allure penchée des narcisses
il dit
l’heure n’a pas sonné
encore
mais je voudrais qu’on enveloppe mon corps mort
d’un linceul chaud
C’est pourquoi
14 décembre
je poussai les persiennes, il faisait jour, j’avais dormi plus longuement, beaucoup rêvé, d’une gare en ruines où un homme abattait d’une balle une chèvre rendue folle par la captivité, d’un cours où je démontrais à des adolescents, images à l’appui, que l’éléphant avait pour lointain ancêtre un singe informe, et d’autre chose, me semblait-il, encore avec des animaux
l’air vif me prit le visage et les mains, le ciel était haut, bleu pâle, il ferait beau, au paysage clos des deux cours endormies et de l’érable effeuillé se substitua avec la soudaineté d’une hallucination celui d’une mer gris pâle qui se mêlait dans le lointain à un ciel laiteux dans un sfumato que rompaient deux ou trois silhouettes noires de cargos
et cela suffit pour qu’à nouveau je fusse pris, violemment et douloureusement comme à un hameçon, au désir d’être ailleurs, un autre, que des persiennes de ma vie repoussées, ouvertes, mon âme s’échappât, mon corps, mon histoire, et que s’écrivît à neuf dans une autre langue l’énigme de mon passage sur terre
Après longtemps
9 décembre
le matin du troisième jour on tenta de suspendre le processus de décomposition du corps politique en vain, l’atmosphère fétide était si lourde qu’aucun courant d’air frais ne parvenait à l’assainir, chacun entreprit alors de cultiver quelques jacinthes qu’il tenait sous son nez pour échapper à la pire puanteur qu’on eût connue depuis longtemps, la démocratie pourrissait, on s’habitua, dans les platanes que l’automne avait effeuillés les corneilles faisaient comme des trous noirs aux bords pointus
Et tout autour, le reste
1er avril
les troupes du dedans
défaites les voltigeurs
de la joie décimés
vaincus les francs
tireurs de la révolte
le cœur demeure
qui me bat
Autofiction
24 décembre
ai surpris un voleur à enfourcher ma bicyclette et l’ai
de justesse in extrémisse rattrapé
lui ai laissé le choix de me la rendre de bon gré ou de se faire casser
la gueule
a bien saisi la différence et au final le point commun
s’en est allé rafistolant son intérieur et l’air à l’extérieur
de rien
et moi
sur mon vélo
pensant que cinquante ans plus tôt j’aurais livré à qui voulait tout ça pour vrai
tandis que là
j’y mène en joie la faux
poétique